L’OMS et l’Unicef viennent de publier un rapport mondial sur les technologies d’assistance au handicap. Fruit de 4 années de travail pour récolter les données de 70 pays, il met en lumière les enjeux médicaux et sociaux autour de l’accès aux aides techniques. Nous avons épluché la centaine de pages du rapport pour vous résumer ce qu’il faut en retenir.
COMMENT ET POURQUOI EST ÉCRIT CE RAPPORT ?
Publié en mai 2022, le “Global Report on Assistive Technology” est le premier rapport mondial produit sur les technologies d’assistance. Il a été rédigé par l’OMS et l’Unicef à la demande des États membres de l’OMS, à la suite de la résolution pour “Améliorer l’accès aux technologies d’assistance” votée en mai 2018. Il donne un aperçu global du sujet, abordant les politiques de santé, la question de l’approvisionnement, la main d’œuvre, les prix, etc.
Il est construit à partir de données récoltées via un questionnaire d’évaluation diffusé entre 2018 et décembre 2021 et d’enquêtes nationales dans 70 pays. 323 647 personnes ont été interrogées (dont 51% de femmes) et plus de 500 contributeurs ont participé à sa rédaction.
L’ACCÈS AUX TECHNOLOGIES D’ASSISTANCE : UN DROIT FONDAMENTAL
Les technologies d’assistance (aussi appelées “aides techniques” en France) désignent les produits et services qui maintiennent ou améliorent l’autonomie des personnes pour : la mobilité, l’audition, la vue, la cognition et la communication. Il peut s’agir de produits physiques comme des fauteuils roulants, prothèses, lunettes, ou de logiciels et d’applications numériques.
Aujourd’hui, une personne sur trois, soit plus de 2,5 milliards de personnes dans le monde, a besoin d’au moins une assistance. Avec le vieillissement de la population mondiale, l’augmentation des maladies chroniques (respiratoires, cardiovasculaires) et des cancers, ce chiffre pourrait atteindre 3,5 milliards en 2050.
Mais le rapport fait le constat des inégalités criantes à l’échelle mondiale. Quand 90 % des personnes accèdent aux aides techniques qui leur sont nécessaires dans les pays riches, ce taux passe à 3 % dans les pays les plus pauvres.
Pourtant, l’accès aux technologies d’assistance est un droit fondamental inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Condition préalable à l’égalité des chances, ces équipements permettent aux personnes en situation de handicap de s’intégrer pleinement à la société : participer à l’éducation, s’insérer dans le marché du travail, s’impliquer dans la vie communautaire, civile ou politique.
LES FREINS À L’ÉQUIPEMENT
Sans surprise, le premier obstacle pour acquérir une aide technique adaptée est le prix et le manque de solutions de financement (43% des réponses). La majorité des personnes interrogées ont financé leurs aides techniques eux-même (46%) ou grâce au soutien de leur entourage (30%).
Les informations limitées ou peu accessibles sur les équipements sont aussi une barrière importante. Trouver des informations fiables, faire le tri entre les possibilités de financements souvent dispersées entre différentes institutions : le rapport relève que “la charge de la recherche d’informations pour s’équiper pèse sur les utilisateurs”.
Le manque de services pour accompagner les utilisateurs est aussi souligné : beaucoup de pays ont peu voire pas de personnel dédié et formé. De plus, lorsqu’elles sont équipées, les personnes ne sont souvent pas formées à l’utilisation et aucun suivi ne leur est proposé, ce qui peut réduire le temps d’usage de l’aide technique ou conduire à son abandon.
L’OMS pointe également le problème des produits existants peu réparables et peu adaptables. “Les préférences esthétiques sont particulièrement importantes pour les dispositifs proéminents et les populations spécifiques (par exemple, les jeunes adultes).[…] Malgré l’importance de la conception dans l’appropriation des technologies d’assistance, la majorité des produits ne sont pas adaptés aux enfants ou gender-friendly.”
La distance avec les services de santé dans certaines régions, ou la mauvaise qualité des produits sur le marché s’ajoutent à la (trop) longue liste des barrières à l’équipement.
COMMENT AMÉLIORER LES CHOSES ?
Le rapport propose 10 propositions concrètes pour améliorer l’accès aux technologies d’assistance, à l’échelle globale. À côté des mesures évidentes – comme l’allocation de moyens financiers, la formation de personnel, la mise en place de stratégies nationales, la réduction des coûts – plusieurs idées ont retenu notre attention.
- IMPLIQUER ACTIVEMENT LES UTILISATEURS ET LEURS FAMILLES
“Les utilisateurs doivent être considérés comme des partenaires dans le parcours d’équipement, et non comme des bénéficiaires passifs. […] Ils doivent donc être consultés et impliqués à tous les niveaux.”
Formés, les utilisateurs et leurs aidants peuvent en effet maîtriser les réglages et la maintenance légère de leur dispositif. Équipés, ils deviennent experts dans l’utilisation de l’aide technique. Ils peuvent en expliquer les avantages à des pairs ou fournir un retour d’expérience aux fabricants. Un point qui résonne particulièrement pour ORTHOPUS et que nous estimons incontournable dans le développement des aides techniques.
- SE BASER SUR DES DONNÉES FACTUELLES POUR IDENTIFIER LES BESOINS
“Chaque pays devrait disposer de données sur les besoins, la demande et l’offre des aides techniques afin d’identifier les manques et les tendances.” Investir dans la collecte des données et leur analyse est indispensable pour proposer des stratégies adaptées aux populations. C’est un outil pour appuyer les prises de décisions politiques sur les équipements d’assistance.
- RASSEMBLER LES DIFFÉRENTES PARTIES-PRENANTES POUR FAVORISER L’INNOVATION
Mettre en relation les bénéficiaires, les chercheurs et les industriels est essentiel pour que les nouveaux produits d’assistance arrivant sur le marché correspondent réellement aux besoins du terrain. “Les différents acteurs devraient être mis au cœur des décisions politiques, ainsi que des programmes de recherche et d’innovation..”
"LES TECHNOLOGIES D'ASSISTANCE CHANGENT LA VIE"
Ces mots du Directeur général de l’OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, appuient l’idée qui sous-tend le rapport : au-delà du soutien pratique qu’apportent les aides techniques, elles sont un levier pour améliorer l’insertion sociale et professionnelle. « En effet, elles permettent aux enfants atteints de déficiences d’avoir accès à l’éducation, aux adultes vivant avec un handicap d’avoir un emploi et des interactions sociales, et aux personnes âgées d’être indépendantes et de vivre dans la dignité ».
Catherine Russell, Directrice générale de l’UNICEF, complète : « Près de 240 millions d’enfants sont handicapés. Le fait de refuser aux enfants le droit d’avoir accès aux produits dont ils ont besoin pour s’épanouir nuit non seulement aux enfants, mais prive également les familles et leurs communautés de tout ce qu’ils pourraient apporter si leurs besoins étaient satisfaits ».
Il est incontestable qu’améliorer l’accès aux technologies d’assistance crée un cercle vertueux. Les personnes équipées regagnent de l’autonomie et peuvent s’impliquer de manière plus active dans la vie publique ou professionnelle, ce qui a des répercussions positives pour l’ensemble de la société.
Le constat est donc clair et net mais ressemble beaucoup à ce qui ressortait déjà du rapport sur le handicap produit par l’OMS et la Banque mondiale en 2012. Alors, à quand des actes et des avancées concrètes ?
RESSOURCES :
– Lire le rapport “Global Report on Assistive Technology” (english) – OMS
– Les indicateurs d’accès aux technologies d’assistance (english) – OMS
– Notre article “Ce que nous disent les chiffres du handicap dans le monde” (français)
– Les publications de l’OMS sur le sujet (choisir catégorie “assistive technology”)
– Focus sur le terme “technologies d’assistance” (français)