Débats sur la fin de vie : un sujet de société au coeur de l’hémicycle français

Image d'illustration pour le projet de loi sur la fin de vie

Près d’un an après la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron en juin 2024, l’examen de la proposition de loi sur la fin de vie reprend. Ce texte sensible continue de diviser une grande partie des Français et des Françaises(1,2).

Deux poids, deux mesures

En quoi consistent ces débats ? Deux propositions de lois sont au programme pour l’Assemblée Nationale : les soins palliatifs et l’aide à mourir. Sujets délicats de ces dernières années avec la hausse de personnes en situation de vieillesse avancée ou de handicap grave qui souhaitent partir dignement, les député•es devront examiner ces questions avec le plus grand soin dans les prochains jours. La situation est si tendue que les différents partis politiques n’ont donné aucune consigne de vote, le choix relèvera de la conscience et de la sagesse de chacune (1,3).

Au cœur du débat

Si les deux lois sont étudiées en mai 2025, elles s’opposent radicalement en prise de position. La proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement est portée par la députée Renaissance Annie Vidal, laquelle est opposée à l’aide à mourir présentée comme telle. En avril dernier, elle avait obtenu l’unanimité en commission pour ce projet qui vise à améliorer l’accès aux soins palliatifs et la formation des soignants(1). L’objectif de la députée à travers cette loi est d’augmenter l’accessibilité aux soins palliatifs, lesquels sont pourtant reconnus par la loi depuis 1999 mais faute de moyens l’exécutif n’est pas possible.(4). De plus, selon la Cour des Comptes, le personnel soignant est démuni face aux personnes qui approchent de la mort, notamment en EHPAD ou à domicile(4). Il s’agit donc ici d’augmenter la dignité des personnes en fin de vie.

Annie Vidal à l'Assemblée nationale prenant la parole

Annie Vidal, à l’Assemblée nationale. © Maxppp – Aurélien Morissard

La proposition de loi sur l’aide à mourir est portée, quant à elle, par le député Modem (centriste) Olivier Falorni(5), fervent défenseur du “droit de mourir dans la dignité”. Il prévoit d’ouvrir le ‘suicide assisté’ et l’euthanasie aux personnes qui ont  des affections graves et incurables en phase avancée ou terminale(1). Ce texte, combattu par de nombreux élus de droite et d’extrême droite, divise même au sein du gouvernement avec notamment le soutien de Gérald Darmanin (Ministre de la Justice) et l’opposition franche de Bruno Retailleau (Ministre de l’Intérieur). Le texte avait été adopté en commission avec une majorité de 28 voix contre 15 et une abstention(1)

Olivier Faroni prenant la parole à Radio France

Olivier Falorni – Député de Charente-Maritime © Radio France

Divisions et interrogations

Le 12 mai 2025 au matin, la Ministre de la Santé, Catherine Vautrin s’exprimait sur BFMTV et assurait : “[qu’]aucun soignant ne sera obligé de pratiquer l’acte létal”. Elle ajoutait également qu’une “clause de conscience” s’appliquera(6). Le texte sur l’aide à mourir proposait initialement que c’était à la personne concernée de pratiquer le geste final (exception faite si elle est dans l’incapacité de le faire, le•la soignant•e pouvait alors l’aider). Après le passage devant la commission, cette partie a été revue et modifiée pour permettre à la personne directement impliquée d’avoir le choix entre sa main ou celle du•de la soignant•e.

Sont également concernées, au-delà de la personne en situation de handicap grave ou de vieillesse dont le pronostic vital est engagé, les personnes accidentées graves(7).

 

Alors qu’Emmanuel Macron était interrogé sur TF1 le mardi 13 mai 2025, par le journaliste Charles Biétry (lui même vivant avec la maladie de Charcot), la question de l’adoption de ces deux projets de loi reste au coeur des débats. À cette occasion, Charles Biétry a déclaré : “Ma vie a été très belle, je voudrais que ma mort le soit aussi”.

Emmanuel Macron a répondu : “Je souhaite que le texte qui est engagé aujourd’hui soit voté”. Il défend un “texte d’équilibre”, qui, selon lui, permettrait “quand il n’y a plus d’espoir, [d’]aider à partir dans la dignité”. Il réaffirme son souhait de renforcer les soins palliatifs, il n’envisage un recours au référendum que “si le débat parlementaire était bloqué”. (1). En particulier des Français et Françaises qui vivent avec une maladie neuromusculaire au quotidien, comme la maladie de Charcot ou la sclérose en plaques : “cette loi sur la fin de vie est nécessaire”, déclare Michel, porteur de la maladie de Charcot(8)


C’est un soulagement pour beaucoup de personnes malades en France : l’étude de la proposition de loi sur l’aide à mourir est attendue depuis plusieurs années. Ce texte suscite pourtant de vives inquiétudes chez certain•es élu•es, qui expriment leur crainte en le qualifiant de
“déséquilibré”, comme Bruno Retailleau (Ministre de l’Intérieur)(9). À l’inverse, l’ancien Premier Ministre Gabriel Attal et la chanteuse Line Renaud ont cosigné une tribune le défendant(9).

 

“Cette loi je l’attendais” | Loïc, porteur de la maladie de Charcot(10).

L’opposition en désaccord

C’est un débat qui fait les gros titres de tous les quotidiens récents. Le journal La Croix s’est intéressé à ce qu’en pensent les catholiques, religion qui punit le suicide par l’Enfer post-mortem. Est cité notamment l’archevêque de Reims, Éric de Moulin-Beaufort, qui réagissait aux propos d’Emmanuel Macron tenus le 6 mai dernier : “Non, Monsieur le Président, le choix de faire mourir et d’aider à se tuer n’est pas celui du moindre mal. C’est celui de la mort tout court. Celui de l’abandon et du refus d’aider jusqu’au bout”(2,11). Certains membres de l’Église s’opposent vivement aux côtés de l’archevêque de Reims contre la proposition de loi. Il accompagne même son message virulent d’une photo et d’une citation du défunt pape François : “On ne joue pas avec la vie”, avait affirmé le Souverain pontife en 2023 à l’occasion d’un déplacement à Marseille”(11).

Tweet de Eric de Moulins-Beaufort sur une citation du pape François

La Haute Autorité de Santé a également tenu à préciser au vu des conditions d’éligibilité prévues dans la proposition de loi pour l’aide à mourir, qu’il est impossible d’estimer une échéance de vie à l’échelle d’une maladie, mais qu’on ne peut le faire qu’à l’échelle d’une personne vivant avec cette maladie, car il existe trop de  “biais subjectifs”, comme “la résilience individuelle, l’exercice particulier de la médecine etc.”(7). Se pose également la question de l’impact psychologique des proches ou du soignant qui pratique l’euthanasie ou le suicide assisté. Le suivi psychologique semble important si la loi d’aide à mourir passe, d’autant plus s’il y a un conflit entre les proches et la décision de la personne qui fait le choix, ou du•de la soignant•e qui aide. La question soulevée par la Haute Autorité de Santé pèsera sûrement sur la conscience des député•es qui voteront : quand et qui peut désigner une vie comme non vivable ?

Zoom sur d’autres positions à l’étranger

La France n’est pas le premier pays à débattre l’aide à la dignité dans les derniers instants. Le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, l’Espagne, le Portugal et l’Autriche ont déjà adopté et mis en place des lois légalisant le suicide assisté et l’euthanasie sous certaines conditions(12).

Dans tous les textes de loi européens promulgués, le suicide assisté et l’euthanasie ne sont jamais autorisés librement : il faut témoigner d’une souffrance insupportable (physique et/ou psychologique), ou exprimer la volonté de rester pleinement conscient de ses moyens avant de mourir(12). La proposition de loi portée par Olivier Falorni suit le même modèle. L’expansion de ce sujet dans d’autres pays prouve qu’il est d’actualité et qu’un changement des mœurs s’opère avec notre époque. Les valeurs changent et promeuvent une forme de liberté et d’autonomie, qui de nos jours s’obtient souvent par des aménagements à l’intérieur du domicile ou à travers l’usage de dispositifs médicaux. 

Autonomie, dignité, fin de vie : ORTHOPUS s’interroge

Si les deux textes avancent côte à côte, c’est bien la proposition de loi sur l’aide à mourir qui cristallise l’attention. Elle fait l’objet de discussions complexes qui mêlent considérations éthiques, morales, religieuses, psychologiques et morales. À l’inverse, celle sur les soins palliatifs fait consensus et devrait être adoptée sans heurts.

 

À ORTHOPUS, ces questions résonnent profondément avec notre engagement pour l’autonomie et la dignité des personnes. Le débat autour de l’aide à mourir dépasse le cadre médical : il interroge notre rapport collectif mais aussi individuel et intime à la souffrance, à la vulnérabilité, à la mort — encore souvent taboue. Mais au-delà d’un enjeu éthique ou de liberté personnelle, c’est aussi un sujet profondément social, qui invite à questionner notre manière de prendre soin les uns des autres et au respect. Nous pensons que ces décisions, actuellement discutées à l’Assemblée nationale, devraient intégrer la voix des personnes directement concernées — personnes qui vivent avec une souffrance intolérable, proches, aidant•es — pour construire une loi réellement humaine, au plus près des réalités vécues.

SOURCES :  
  1. Franceinfo – mai 2025. Fin de vie : « Aucun soignant ne sera obligé de pratiquer l’acte létal », assure Catherine Vautrin, avant l’examen des textes sur l’aide à mourir à l’Assemblée nationale.
  2. La Croix – mai 2025. Lois fin de vie : l’inquiétude monte dans le monde catholique. 
  3. Le Marianne – mai 2025. Sémat C. Bertrand-Léo Combrade : « La consigne de vote laisse toujours une marge de manœuvre à chaque parlementaire. » 
  4. Franceinfo – mai 2025. Fin de vie : cinq questions sur les « soins d’accompagnement » palliatifs que le gouvernement veut développer. 
  5. Les Echos – septembre 2022. Assemblée nationale : Olivier Falorni rejoint le groupe Modem.
  6. BFMTV – mai 2025. Projet de loi sur la fin de vie: « Je ne veux pas utiliser le mot euthanasie », indique Olivier Falorni.  
  7. Ouest France – mai 2025. Fin de vie : que contiennent les deux textes débattus à l’Assemblée nationale à partir de ce lundi ? 
  8. TF1 INFO – mai 2025. « Cette loi sur la fin de vie est nécessaire »: le témoignage de Michel, atteint de la maladie de Charcot.  
  9. TF1 INFO – mai 2025. « Je me battrai » : Bruno Retailleau fermement opposé au texte sur l’aide à mourir, qu’il juge « déséquilibré ».  
  10. RFI – avril 2024. Reportage France – Fin de vie: «Cette loi je l’attendais», le témoignage de Loïc atteint de la maladie de Charcot. 
  11. La Croix – mai 2025. Fin de vie : le président de la Conférence des évêques répond à Emmanuel Macron.  
  12. Euronews – décembre 2024. Quels pays européens autorisent le suicide assisté et l’euthanasie ?  

2 Comments

  1. Anaïs

    Excellent article sur un sujet nécessaire qui nous concerne tous, de prêt ou de loin.

  2. Pierre

    Bonjour Anaïs, merci pour votre retour, je suis ravi que l’article vous ait parlé.
    C’est en discutant ensemble qu’on fait avancer les choses sur ces sujets essentiels.

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